La fratrie Basiron à Bourges
Trois clercs portant le patronyme Basiron servirent la Sainte-Chapelle de Bourges à partir de la fin des années 1450. Aucun document spécifiant leur lien de parenté n’a été localisé à ce jour, mais ils formaient vraisemblablement une fratrie, dont l’aîné était Philippe, éminent musicien et compositeur mort en 1491, le cadet, Pierre, chanoine de 1517 à sa mort en 1528, et le benjamin, Jean, chapelain mort en 1495. Les deux premiers avaient été mis ensemble à la charge du maître des enfants de chœur en 1458-1459 et devinrent respectivement adultes vers 1466 et 1469. Le troisième dut suivre leur parcours quelques années après : chanteur adulte en 1475, il est probablement l’enfant simplement qualifié de « frère de Philipe » confié au maître des enfants le 3.9.1468. Leurs dates de naissance respectives pourraient être estimées c. 1450, c. 1452 et c. 1455 ; Philippe et Jean seraient donc morts à l’âge d’environ 40 ans, Pierre leur survivant plus de 30 ans, jusqu’à dépasser l’âge de 75 ans. Tous trois connurent des difficultés pour progresser dans la hiérarchie de la Sainte-Chapelle.
Sainte-Chapelle de Bourges, 1458-1529
Il est probable que les enfants "Philippon et Pierron" mis à la charge du maître des enfants de chœur en 1458-1459 sont Philippe Basiron, accompagné d'un jeune frère, Pierre (Szpirglas 2015/Pilleboue PCR, d’après F-AD 18, 8G1648, f. 113v: "A messire Jehan Gaudier alias Doucet, chappelain, pour le nourrissement et instruction de Philipon et Pierron depuis les 15 premiers jours d’octobre 1458 jusqu’au 30 mars 1459"). À la différence de Philippe, Pierre n'est plus mentionné avant le 22.2.1469. Alors qualifié de "clerc enfant du chœur de la Sainte-Chapelle", il est désigné par le chapitre comme "jeune vicaire honnête" au prieur de Notre-Dame-la-Comtale à Bourges pour 4 arpents de vignes pour lesquels le chapitre doit des accordements (Id.; charte de nomination scellée le 21.3.1469, enregistrée dans le registre F-Pnm, NAL 1533, f. 25v-26 : "nominamus honestum vicarium juvenem Petrum Basiron, clericum puerum chori dicte sacre capelle" etc.). Cet acte relève d'une procédure de désignation dite d'un "homme vivant ou mourant", liée à la possession de biens en mainmorte, par laquelle une institution (personne morale) déléguait la propriété fictive d'un bien à une personne réelle, à la mort de laquelle elle paiera des droits de succession. La Sainte-Chapelle de Bourges nommait ainsi régulièrement certains de ses jeunes clercs ou de ses enfants de chœur comme "vicaires" auprès d'autres institutions dont elle avait hérité des biens sur lesquelles elle devait s'acquitter de droits de succession (voir, comme autre exemples, les nominations similaires de Charles de Launay). La désignation de "clerc enfant de chœur" semble avoir été réservée à Bourges aux enfants de chœur sortis des aubes (ayant quitté la maîtrise) mais n'ayant pas encore été recrutés parmis les chanteurs adultes, lors d'une période de transition se situant probablement entre l'âge de 16 et 18 ans environ. La naissance de Pierre Basiron pourrait donc être située entre 1451 et 1453.
Aucune autre mention de Pierre Basiron n'a été relevée pour les vingt années suivantes. Les importantes lacunes de la documentation de la Sainte-Chapelle dans ces années (aucun relevé de délibérations capitulaires entre 1475 et 1487 et aucune comptabilité) n'expliquent qu'incomplètement ce silence. Pierre Basiron n'est en effet pas mentionné dès que la série des registres capitulaires reprend, en 1487, mais seulement plus de dix ans après. Il pourrait donc s'être absenté et n'être revenu à Bourges qu'après la mort de ses frères en 1491 et 1495. Il réapparaît le 1.2.1498, devenu prêtre et désormais qualifié de "chappelain de ceans", quand il prend à cens un bien de l'église. Le 21.8.1498, messieurs "ont commis pour corriger les psaultiers qui ont esté nouvellement faiz avant que les enluminer messires Pierre Barizon et Jehan Prudhomme". Le 6.7.1504, messieurs "ont donné à messire Pierre Baziron ses distributions de certains jours qu’il a esté dehors puis Pasques en ça". Le 31.12.1504, messieurs "ont donné à messire Pierre Barizon chappelain, et messire André Julien, vicaire de ceans leurs distributions de ce que ledit Baziron a esté tenir un enffant de sa seur et ledit Julian a esté a Sancerre veoir ses parens, hors les festes solempnelles, les messes de Nostre-Dame et du grant obit" (Pilleboue PCR d’après F-AD 18, 8G1511, f. 184 et autre, 8G1512).
Le 3.10.1517, il est nommé chanoine de la Sainte-Chapelle à la place d’Antoine de Longueval, qui a pris possession du canonicat d'Henry Bellestat le 5.3.1510 (Higgins 1990a, p. 21 d’après F-AD 18, 8G1504). Le 10.11.1526, Pierre Basiron est présent au chapitre comme chanoine. Le 4.2.1527, "oye la requeste faicte par monsieur Basiron, touchant Nicolas Labbé, nagueres enffant de cueur, lequel est malade, messieurs ont donné charge a monsieur Basiron de le faire revisiter et penser de sa maladie et pour ce faire lui sera delivré par leur receveur general 100 sous". Le 1.2.1528, "messieurs, hormis messieurs Bochetel et Basiron, absents hors dudit chappitre, pour lors, ont ce jourd’huy audit chappitre ordonné qu’il sera prins une complaincte au nom dudit chappitre a l’encontre dudit Bochetel, soy disant vicaire de monsieur le tresorier". Le 16.3.1528, "oy le rapport de messire Baziron et Bochetel d’avoir assisté ce jourdhuy pour le chappitre au concille provincial tenu en l’archevesché de Bourges […] messieurs ont donné charge ausdits Basiron et Bochetel de suyvre la plus grant et seine oppinion des evesques et abbez oppinans davant eulx audit concille sur la requeste du Roy nostre sire, par laquelle il requiert du clergé 4 décimes selon la derniere taxe faicte au moys de juing dernier passé pour la rétention de ses enffants prisonniers en Espaigne". Le 3.8.1528 (entre autres dates), messieurs "ont commis et ordonné pour faire penser deux des enffans de cueur de l’eglise de quelque maladie qu'ilz ont monsieur Basiron". Le 22.8.1528, à l'occasion d'une refonte des cloches de l’eglise, messieurs "ont commis pour donner garde du ton d’icelles monsieur Basiron". Le 17.10.1528, "monsieur Basiron a dit et declaré a messieurs qu’il ne se vouloit plus mesler de la charges qu’il avoit desdits enffans estant au college". Le 17.11.1528, il est cité parmi les chanoines en procès contre "noble et scientifique personne maistre Jehan de Langellerie, tresorier", concernant l’héritage de feu Jacques Dupont. Le 21.11.1528, "pour se donner garde desdits enffans et les revisiter une foys ou deux la septimaine, messieurs ont commis et ordonné messires Basiron et Barbarin". Le 4.2.1529, "les clefs du tresor des lettres sont données a Basiron, veu que Barbarin, nommé vicaire du tresorier, a celles du tresorier". Le 26.5.1529, "messire Marin Rebours a esté receu vicaire en ladite Sainte-Chapelle de monsieur Basiron, chanoine de ladite eglise. Au rapport fait par monsieur le chantre lequel a rapporté et dit a monsieur Barbarin comme vicaire du tresorier que ledit Rebours estoit suffisant en l’art de musique et capable pour tenir ladite vicairie. Apres lequel rapport, ledit Barbarin, comme vicaire, a renvoié ledit Rebours audit chantre pour le installer et faire faire le serment en tel cas requis et acoustumé".
Sa mort est signalée le 23.8.1529. Le chanoine Moustier réclame alors sa maison, mais on lui dit que "la maison sera pour la demorance du maistre et enffans de cueur de l’eglise, actendu qu’elle est pres de ladite eglise. Et que la maison ou de present demeurent lesdits maistres et enffans de cueur estoit pres l’eglise Saint Jehan sera pour la demorance dudit Du Moustier comme estant en son tour et à pourveoir" (Pilleboue PCR d’après F-AD 18, 8G1514 f. 127, 138v, 145, 203, 208 et autres; 8G1501). Le 7.9.1529, "monsieur le chantre a fait son rapport d’avoir esté revisiter avec monsieur Barbarin la maison que tenoit feu monsieur Basiron de l’eglise. Sur lequel rapport messieurs ont ordonné qu’il sera fait commandement a Anthoine Lheritier [neveu de feu Basiron], qu’il aye a mectre ladite maison en estat des reparations qu’il y convient faire et qui luy soit inhibé de ne transporter les victres et boys, tenans en fer et a clou de ladite maison, et d’oster une cuve qu’il a faicte dresser en la chambre basse de ladite maison". Le 15.9.1529, "est venu en chappitre messire Anthoine Lheritier, lequel a exposé a messieurs qu'ilz l’avoient fait adjourner pour quelque cuve qui avoit esté dressée en la salle de la maison ou se tenoit feu monsieur Basiron, son oncle, aussi pour faire les reparations necessaires en ladite maison ; et pour l’inhiber qu’il eust a transporter aucune chose de ladite maison ; et que quant a ladite cuve, il estoit prest et apareillé de la faire oster de ladite salle, faire faire les reparations necessaires ne transporté aucune chose des appartenances d'icelle maison, le tout davant la Saint-Michel prochaine ; et consentant que ledit jour passé messieurs fissent leur prouffit de ladite maison ; et leu et declaré que ledit jour Saint-Michel passé il n’entendoit plus la tenir et leur quictoit. Ce qui a esté accepté par messieurs" (Pilleboue PCR d’après F-AD 18, 8G1514, f. 208).
Lien de parenté avec Antoine Lhéritier
Après la mort de ses deux frères, Pierre Basiron avait encore au moins une sœur, citée lorsqu'il s'était absenté, en décembre 1504, pour s'occuper d'un enfant de sa sœur (vori ci-dessus).
Anthoine Lhéritier est peut-être celui de la Sainte-Chapelle de Paris, reçu le 22.12.1508, aux gages de clercs "musiciens" en compagnie de Christophle de La Haye (Brenet 1910 p. 50 d’après F-AN, LL 623, f. 52) et celui de la chapelle impériale de Charles-Quint entre 1520 et 1532 (Gachard 1882 tome III p. 306, 389 d’après Archives du royaume, tome II et III, des États des maisons des souverains et gouverneurs généraux).
Le 16 sept 1529, messire Pierre Mathe a pris possession de la prébende de messire Basiron. Il prête serment, paye ses droits de 27 livres et 10 sous. Le 2 octobre 1529, « messieurs consideré les fortunes de maladie qui sont advenues aux enffans de cueur de l’eglise pour le mauvais traictement que leur a fait maistre Pierre Marault maistre des enffans par eulx commis et autres causes ad ce les mouvans, l’ont destitué de ladite maistrise et ordonné qu’il ne s’en meslera plus et que l’on fera venir lesdits enffans en la maison ou se souloit tenir feu monsieur Basiron et ont fait venir audit chappitre maistre Josse Rapaillot auquel ilz ont demandé s’il vouloit prandre la charge de gouverner lesdits enffans jusques ad ce quilz en eussent autrement proveu… ». Le 16 décembre 1531, messieurs ont adcensé a messire Jehan de Bailleul comme procureur de messire François de Launay chanoine de ceans comme estant le plus ancien chanoine a pourveoir la maison que souloit tenir feu messire Pierre Basiron et en laquelle demeure de présent maistre Pierre Pastoris naguerres maistre des enffans de cueur de l’eglise, tant que icellui de Launay sera chanoine de ceans pour la somme de 10 livres tournois chacun an aux charges et condicions des autres maisons… » (Pilleboue PCR d’après F-AD 18, 8G 1514, 8G 1415).
Fiala David, Szpirglas Jacques